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L’ART DE LA GUERRE PAR L’EXEMPLE /Frédéric Encel.


L’ART DE LA GUERRE PAR L’EXEMPLE. Stratèges et batailles. de Frédéric Encel.


1/ L’AUTEUR: 

Docteur en géopolitique et consultant, Frédéric ENCEL enseigne les relations internationales à Paris (ENA, ESG, IPJ) et à Rennes (Sciences Po / PrépENA). Il est l’auteur de Géopolitique de Jérusalem (Champs-Flammarion, 2000), Le Moyen-Orient entre guerre et paix (Champs-Flammarion, 2001), Géopolitique du Golan (Champs- Flammarion, 2001) et Géopolitique de l’apocalypse, la démocratie à l’épreuve de l’Islamisme (Champs-Flammarion, 2002).


2/ SYNTHÈSE DE L’OUVRAGE : 

Le livre de Frédéric ENCEL se compose de 64 très courts chapitres permettant de survoler rapidement l’histoire, si ce n’est du monde, du moins celle du phénomène guerrier depuis l’antiquité jusqu’à nos jours.


Au travers des 29 premiers chapitres, l’auteur dresse le portrait de grands personnages historiques, théoriciens, stratèges, grands capitaines ou tacticiens ayant marqué de leur empreinte l’histoire et l’Art de la guerre.



Cette évocation passe donc par la présentation de personnages incontournables comme Sun Tse, resté célèbre pour son traité sur l’Art de la Guerre, Frédéric II qui le premier et le plus clairement affirma que les batailles se gagnaient par la supériorité du feu, ou encore Napoléon et Clausewitz, qui restent aujourd’hui des références par les principes qu’ils ont édictés ou par leur maîtrise de l’art de la guerre.


Les autres personnages évoqués, également incontournables pour certains, restent célèbres pour leurs initiatives ou pour leurs écrits particulièrement originaux ou novateurs. Tous sont catégorisés comme théoriciens, stratèges ou encore capitaines et tacticiens. Ainsi sont évoqués chronologiquement les grands conquérants antiques et médiévaux à l’origine des plus grands empires de l’humanité (Alexandre, Hannibal, César, Gengis Khan ou encore Tamerlan), les grands soldats (du Guesclin, le maréchal de Saxe, Wellington…), et surtout les grands penseurs de la guerre parfois également grands soldats (Jomini, Mahan, Foch, de Gaulle ou encore Kissinger).

Au travers de 35 chapitres suivants, l’auteur s’attache à l’évocation rapide et synthétique de 35 batailles « historiques », soit qu’elles conservent un caractère mythique ou légendaire, comme Marathon, Poitiers ou Roncevaux, soit qu’elles aient été décisives, comme Gaugaméles, Iéna ou encore Iwo Jima, soit enfin qu’elles aient été particulièrement novatrices, en matière de tactique ou d’emploi des armes, comme Crécy ou la bataille d’Angleterre. Comme pour les personnages évoqués dans les premiers chapitres, le classement se veut indicatif et non exclusif d’une catégorie à une autre. Ce survol du phénomène guerrier au travers de ces grands stratèges et de ses évènements marquants voire ses chefs d’oeuvre reste particulièrement difficile à synthétiser tant il se veut diversifié et multiple.

Toutefois, il permet de réaffirmer l’existence d’un certain nombre de grands principes, édictés en leurs temps par les grands stratèges et penseurs évoqués par l’auteur. Chaque bataille permet ainsi de mettre en avant quelques règles à appliquer, ou quelques erreurs à éviter :

–  l’importance du terrain et de la géographie des lieux, qui peuvent se révéler décisifs pour l’obtention de la victoire. Il en est ainsi du défilé de la bataille d’Issos, du plateau de Pratzen dont la saisie concrétise la victoire d’Austerlitz, ou de la sécheresse et du désert qui conduisent les croisés à la défaite lors de la bataille d’Hattin.

–  la concentration des efforts sur un point décisif, principe clairement mis en œuvre par Napoléon et que l’on retrouve au cœur de la pensée de Jomini ou de Clausewitz. Dans ce cadre, la concentration des efforts Viet Minh sur le Camp retranché de Diên Biên Phu, ou des Soviétiques sur Stalingrad marque à chaque fois la saisie ou la destruction d’un centre de gravité indispensable et vital pour l’ennemi. Il est d’ailleurs intéressant de constater qu’à chaque fois, cette victoire locale, cette action directe sur le centre de gravité « ennemi », s’est concrétisée par la victoire finale des assaillants dans les conflits considérés.

–  l’économie des forces, qui garantit en particulier le maintien du moral des combattants et une action dans la durée avec un rapport de force défavorable. C’est dans cette optique que s’inscrivent les combats de guérillas et de « guerre d’usure » menés par Lawrence d’Arabie contre les Turcs.

–  l’unité du commandement et surtout sa valeur comme le montrent les personnages exemplaires mis en avant tout au long de l’ouvrage. C’est la clairvoyance du chef, sa force de caractère , sa volonté et son sens tactique ou stratégique qui amène la victoire emportée en dernier ressort par des troupes aguerries. Ainsi à contrario, le manque de clairvoyance d’Hitler et son erreur stratégique, donnant la priorité aux convois vers les camps de la mort, sur les convois logistiques de son armée, conduira le IIIe Reich à sa perte.

–  la liberté d’action enfin, assurée par l’activité et le mouvement, la sûreté, le secret et la surprise.


Ce principe, au cœur des principes édictés par Foch, mis en œuvre parfaitement par les Israéliens lors de la guerre des Six Jours est encore aujourd’hui totalement d’actualité, comme le montre très justement Frédéric ENCEL dans la conclusion de son ouvrage ou il introduit le phénomène terroriste qui a su faire sien ce principe intangible de la guerre.

3/ ANALYSE – AVIS :

L’ouvrage de Frédéric ENCEL, plus qu’une œuvre didactique, doit être conçu comme un outil et une véritable « invitation au voyage » et à la lecture plus approfondie d’autres ouvrages d’histoire, de tactique ou de stratégie. De fait, la brièveté des chapitres (2 à 3 pages au maximum) pour relater une bataille par nature complexe et marquée par le « brouillard de la guerre » ou résumer la vie et la pensée d’un grand personnage, conduit forcément à la simplification et nuit de fait à la clarté et à la précision. Ainsi, chaque chapitre doit bien être conçu comme un résumé, ou mieux une introduction à une recherche plus pointue sur les sujets évoqués. En ce sens, ce livre n’a pas vocation a être lu d’une traite, de la première à la dernière page, mais doit être considéré comme une « référence », un pense-bête ou un aide mémoire permettant de se remettre en tête quelques grands principes ou quelques éléments d’histoire militaire.

À cet effet, chaque chapitre se conclut sur une bibliographie indicative permettant à chacun de pousser plus avant ses recherches, et d’accroître ses connaissances sur telle ou telle bataille , ou sur la pensée de tel ou tel stratège. Ainsi, à la lecture de ce livre, il est normal de vouloir en savoir plus, sur l’Anabase d’Alexandre, sur l’empire mongol de Gengis Khan, sur l’épopée napoléonienne ou les campagnes de Rommel, mais aussi sur les théories de Jomini ou de Clausewitz. Le livre de Frédéric ENCEL ne doit donc être considéré que comme un ouvrage général et non comme un traité à vocation d’instruction théorique, même s’il permet de mettre en avant des principes généraux, dont l’efficacité et la pertinence sont réaffirmés par la profondeur historique. En ce sens, l’ouvrage de Frédéric ENCEL répond parfaitement aux attendus de l’histoire militaire, telle que la définissait le Maréchal FOCH : « Des recettes pour créer des chefs-d’œuvre comme Austerlitz ou livrer des batailles comme Sadowa, voilà ce que la théorie est incapable de donner. Mais elle présente ces modèles comme des types d’études, non pour qu’ils les imitent servilement, mais pour qu’ils se pénètrent de leur esprit, pour qu’ils s’en inspirent. »

Le livre offre tout d’abord l’avantage de cerner rapidement l’essentiel : Le lecteur peut en effet accéder à sa guise aux éléments clés d’une bataille « novatrice, décisive ou légendaire » grâce à un ordre thématique et chronologique. Une citation bien à propos précède une mise dans l’ambiance et le récit accompagné parfois d’un croquis. Les enseignements ou conséquences de la bataille sur l’Histoire sont généralement évoqués. Le lecteur peut également découvrir en quelques lignes, un théoricien, un stratège ou un tacticien que l’histoire a pu parfois oublier. L’auteur n’hésite pas à se montrer critique après avoir présenté le personnage et son apport, amorçant un désir de réflexion plus poussée chez le lecteur.

Ce livre est aussi une incitation à la réflexion : Il n’offre pas de solution idéale pour le tacticien ou le stratège d’aujourd’hui. Il constitue cependant le « minimum vital » pour l’officier. Il permet en fait de combler des lacunes éventuelles dans le domaine de la culture militaire. L’auteur ne se limite d’ailleurs pas aux opérations terrestres et enrichit son ouvrage par des exemples de batailles navales et aériennes. Une bibliographie sommaire permet enfin au lecteur de mener une étude plus poussée s’il le souhaite.

L’enrichissement de la pensée militaire est indéniable. Il est en effet courant de constater les nombreux écrits et réflexions au cours des siècles passés. Les penseurs militaires tirent régulièrement des enseignements des batailles passées et n’hésitent pas à reprendre à l’instar d’Alfred Thayer Mahan, la théorie de la stratégie globale défensive de Carl von Clausewitz. Enfin, le livre de Frédéric Encel permet d’appréhender des notions qui sont toujours d’actualité et d’y apporter un éclairage supplémentaire : la stratégie indirecte vue par Thomas Edward Lawrence ; la tactique et la stratégie par Carl von Clausewitz. Enfin, des leçons à tirer : Frédéric Encel met en évidence l’importance des enseignements du passé. Le lecteur est amené à réfléchir sur ces quelques mots : instruire pour ne pas reproduire les mêmes erreurs. L’ouvrage pose alors peut-être le problème de la diffusion de l’enseignement ou de l’apprentissage que d’aucuns remettent en cause aujourd’hui. Le parallèle avec les cellules retour d’expérience , RETEX, semble évident.


Peut-être est-il temps de s’interroger sur les moyens d’une diffusion plus efficace et plus rapide du RETEX, de la nécessité de ne pas négliger l’histoire militaire dans l’enseignement? La technologie nous permet d’ailleurs aujourd’hui de tirer «à chaud» les enseignements d’une attaque à l’engin explosif à Kaboul et de les diffuser le jour même aux unités au moins pour réflexion. Faut-il envisager la mise en place de cellule RETEX au sein des états-majors pour accélérer la diffusion de l’information. Il s’agit surtout d’exploiter cet héritage du passé légué bien souvent au prix du sang. Enfin, la postface de l’auteur rappelle le tournant du 11 septembre 2001: « La rationalité de la stratégie se heurte désormais au XXIe siècle à l’idéologie ». Une nouvelle stratégie, celle du fou au fort qui s’inscrit non pas dans une logique de vie, mais dans une logique de mort est apparue. Or, face à ce fléau, le renseignement tient une place prépondérante. Une restructuration et un partage du renseignement entre les différentes chaînes nationales doit-il être envisagé et jusqu’à quel niveau ? En définitive, cet ouvrage de Frédéric Encel est un aperçu non exhaustif, mais utile pour tout officier touché de près ou de loin par l’engagement de nos unités sur des théâtres d’opérations. À l’heure où les missions des unités deviennent de plus en plus complexes, il semble important de s’interroger sur une meilleure diffusion de l’expérience du terrain.

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